Giorgio Strehler le disait, lorsque certains soirs la magie n’opère pas, mieux vaut arrêter la représentation.
Bien malin qui pourrait dire ce que serait cette magie. On pourrait appeler ça une qualité de partage entre spectateurs et artistes, unis par un même lieu en un même temps. Difficile de définir. Mais pas difficile en revanche de reconnaître quand ce petit supplément n’est pas là.
Hier soir, on est allé au cirque par un temps à remplir des piscines. Chez Arlette Grüss*, j’ai assisté à une représentation où à peu près tout manquait, sauf la batterie de lumières, de sonorisation, et le chauffage, merci. Ah, çà ! on était bien assis, mais on aurait préféré être moins confort et que les artistes aient l’air mieux payé. Dans l'art du clown, il doit réussir son numéro de jonglage en le ratant, sans s’en
rendre compte, puis rater son entrée en ayant l'air de la rater vraiment, et rater encore sa sortie.
Il manquait à ce spectacle appelé «History»… non seulement quelques détails techniques d’une régie trop compliquée et pas toujours bien réglée, mais surtout il y manquait un vrai sourire, une joie. C’était le cirque de Moscou de 1991, les lumières en plus, une humeur de fin du monde. On pourrait presque ne pas leur en faire de reproche. Car c'est bien d'insouciance que nous manquons, en cet hiver, en cette année, en ce pays, en ce début de XXI° siècle ! D'insouciance, de légèreté, de poésie.
Outre qu'on puisse se demander s’il est vraiment amusant de voir des vaches s’agenouiller devant un dompteur tout-puissant, j’aurais préféré ne pas voir d’animaux plutôt qu’assister à cette triste galerie des curiosités obèses et dépigmentées. Les éléphants et les tigres, à ce titre, font peine à voir. C’est même la première fois que je ressens tant de peine pour les animaux, ou plutôt que je ressens leur peine. Même l’âge des éléphants à la peau usée a fait surgir en moi cette question : où les animaux de cirque vont-ils finir leur vie ? Comment sont-ils récompensés, après une vie de travail, d’une nature animale bafouée, domptée, artificialisée, ne leur offre-t-on pas une liberté, au moins une condition de repos et d’espace, perdus qu'ils sont pour la vie sauvage ? Comme ils nous représentent bien, et mieux que des comédiens qui auraient eux le choix de jeter l’éponge.
Outre qu'on puisse se demander s’il est vraiment amusant de voir des vaches s’agenouiller devant un dompteur tout-puissant, j’aurais préféré ne pas voir d’animaux plutôt qu’assister à cette triste galerie des curiosités obèses et dépigmentées. Les éléphants et les tigres, à ce titre, font peine à voir. C’est même la première fois que je ressens tant de peine pour les animaux, ou plutôt que je ressens leur peine. Même l’âge des éléphants à la peau usée a fait surgir en moi cette question : où les animaux de cirque vont-ils finir leur vie ? Comment sont-ils récompensés, après une vie de travail, d’une nature animale bafouée, domptée, artificialisée, ne leur offre-t-on pas une liberté, au moins une condition de repos et d’espace, perdus qu'ils sont pour la vie sauvage ? Comme ils nous représentent bien, et mieux que des comédiens qui auraient eux le choix de jeter l’éponge.
Que dit le droit pour la détention d'animaux sauvages ? «Les cages intérieures abritant des tigres doivent mesurer un minimum de 7 m2 par animal»... Les cirques sont très réglementés. Mais sept mètres carré pour un tigre, bigre ! Comment s’étonner qu’ils soient obèses ? Une surface qui fait penser aux studios cages-à-lapin que certains propriétaires parisiens "offrent" contre un loyer. La France, pays de grande tradition circassienne qui compte une centaine de troupes itinérantes, va-t-elle légiférer en un sens plus favorable à la nature de ces animaux ? Voire les interdire ? L'Espagne a bien interdit la tauromachie...**
Bien sûr, il n’est pas question d’ouvrir ici un mauvais procès au gens du cirque Arlette Grüss qui, on l’espère, traitent bien leurs animaux. Mais la question reste ouverte : comment un animal, né en captivité, même «bien traité» peut-il être heureux en cage, sans savane à brouter, sans possibilité de fuite, sans porter son regard au loin, sans flairer d'autre proie que les pots d’échappements de diesel sur les belles routes de France ? Comment ? Pour eux, la Strada, c’est le périph’...
Et quand ils arrivent devant nous vos animaux, merveilleux gens du cirque et poètes de la piste, je suis au regret de dire qu'ils dégagent une tristesse qui se voit.
De toute façon, rien n’est à reprocher aux Grüss, qu’il faut continuer à soutenir en allant s’asseoir sur leurs gradins. Là s’y assied tout ce qui fait notre peuple. On est définitivement plus entre nous au cirque qu'à l’opéra, où la moyenne d’âge, la condition sociale et même la couleur de peau sont plus homogènes, quoiqu’en disent les promoteurs de l’art lyrique. Non, rien à dire, tous les artistes font du mieux qu’ils peuvent -même si hier tous ont raté leur numéro sauf les Chinois- et je suis sûr que le Monsieur Loyal, à mi-chemin entre un Roch Voisine et un prince de Disney pourrait mieux faire à ne pas grossir la voix à tout propos. Non, ces braves artistes acrobates et voltigeurs sont peut-être pris dans l’emballage d’une velléité de mise en scène, d’une histoire où l’enfant se souviendrait de ses premiers émois devant son clown de peluche... sauf que tout cela a l’air plaqué. Il manque sûrement à cette « History» une vraie mise en scène, un thème de l’enfance décliné, que sais-je un clown culbuto, et non ces costumes kitschissimes et ce rayon laser qui ont plus à voir avec les discothèques des années 80 que l’Enfance affichée. De ce point de vue, l’affiche du spectacle, tout l'emballage, est une arnaque. La chanson d’accueil entend dépoussiérer « le cirque d’hier » ; hélas, tout y ramène, et à grande vitesse.
* (Ne pas confondre avec le cirque Alexis Grüss)
**En savoir plus : http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/01/09/les-animaux-sauvages-bientot-chasses-des-chapiteaux_4344888_3244.html#eZaRDSzmjGBvwxf5.99
Le site du cirque Arlette Grüss, voir les onglets sur leur histoire, intéressante :
http://www.cirque-gruss.com/